• Epilogue: le retour de Pierre Gilliard en Suisse

     

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    Epilogue: le retour de Pierre Gilliard en Suisse

    Alors que le train qui amène Nicolas II, sa famille et quelques domestiques arrive

    à Ekaterinbourg, Pierre Gilliard est séparé du groupe et mis sous bonne garde dans un wagonde 4e classe.

     

    Le Vaudois Pierre Gilliard était le précepteur des enfants du tsar Nicolas II: les grandes-duchesses Olga, Tatiana, Maria, Anastasia et le tsarévitch Alexei. Il suivit la famille impériale durant leur captivité jusqu'à Ekaterinbourg, où il se fit séparer d'eux le 23 mai 1918.

    C'est d'ailleurs cela qui lui sauva la vie, car Nicolas II et sa famille se firent exécuter peu de temps après. De retour en Suisse, il publia en 1922 un ouvrage sur "Le tragique destin du Tsar Nicolas II".

    Outre les dernières photographies de la famille impériale de Russie prises dans leur vie quotidienne en captivité, le fonds Pierre Gilliard contient également de la correspondance et différentes notes prises au cours sa vie.  

     

     

    Après la tuerie, il est libéré ce qui lui permet de faire une enquête qui narre dans ce livre témoignage.

    En mars 1920, il se retrouve à Kharbine où il rencontre le général Ditériks

    et N. Solokof sous la menace des rouges.

    «Que faire des documents de l'enquête?

    Ou les mettre en lieu sûr?»

     

     

    Final months: The Romanovs pictured during their exile in Tobolsk which lasted until April 1918 

    Une tentative de les remettre au haut commissaire d'Angleterre

    sur le départ pour Pékin échoue car ce dernier refuse.

     

    C'est en contactant le général Janin de la Mission militaire française qui se trouvait à Kharbine.

    Ce dernier accepte car «il ne sera pas dit qu'un général français aura refusé les reliques de celui qui fut le fidèle allié de la France».

     

    Alors qu'il charge les caisses dans le train de la Mission française,

    un groupe de quelques individus tentèrent de l'empêcher.

    Mais il court et ainsi, le 19 mars 1920, le coffret contenant

    les reliques de la famille impériale est à l'abri.

     

     

     

    Pierre Gilliard and Charles Sydney Gibbes.

    Pierre Gilliard and Charles Sydney Gibbes.

     

     

    Où est-il maintenant?

    «Plus rien ne me retenait en Sibérie.

    J'avais le sentiment d'avoir rempli envers ceux auxquels m'atachaient de si poignants souvenirs, le dernier devoir qu'il me fut possible de leur rendre sur le sol même où s'était accomplie leur tragique destin.»

     

    girardin gilliard 

    Précepteur des Romanov: le destin russe de Pierre Gilliard

    de Daniel Girardin, Actes Sud, 2005. BDG Td 786

     

    Dans “Précepteur des Romanov: le destin russe de Pierre Gilliard

    de Daniel Girardin, ce dernier décrit plus en détail le

    voyage de retour en Suisse de Pierre Gilliard.

    Après avoir été arrêté dans un wagon durant la nuit du massacre de la famille des Romanov, Gilliard est libéré. Le 8 novembre 1919, il quitte Omsk cinq jours avant que les troupes bolcheviques prennent la vie. En page 13, Girardin écrit:

     

     

    wallpaper.jpg (267×289):  

    «Citoyen d'un pays neutre, Gilliard se bat aux côtés des Alliés sous l'uniforme français. Un fait rare, passible même de prison en Suisse

     

    Pierre Gilliard rejoint le général Janin, qu'il avait connu à Moghilev, au quartier général russe en 1915, et qui était chargé d'organiser la retraite à travers toute la Sibérie, d'Omsk à Vladivostock.

     

    Page 15, «Gilliard relate les rapports faisant état de dépôts entiers trouvés par les bolcheviques, lors de leur avance fin 1919, et qui contenaient tout ce qui avait été volé aux Alliés par l'entourage de Koltchak pour son profit personnel:

    des milliers de selles, des centaines de milliers de bottes et d'uniformes envoyés par les Anglais, des tonnes de nourriture, des munitions, des armes, et même

    l'argent que le Mikado envoyait au titre de l'aide de guerre…

     

     

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    Dans un rapport confidentiel rédigé par Gilliard pour le département des Affaires étrangères, dès son retour en 1920, il exprime de vives critiques à l'encontre des Anglais et des Français:

    S'il s'était trouvé alors en Sibérie des représentants de l'Entente doués d'un sens politique réel, ils auraient compris que seul un gouvernement dans la formation duquel figureraient en majeure partie les éléments de gauche donnerait des garanties suffisantes et serait susceptible de grouper toutes les forces dans la lutte contre le bolchevisme.

      

     

    Above; from left - Gilliard, a servant, Aleksey, Professor Petrov, and the sailor, Deverenko.

     

    Gllliard rappelle que les gouvernements de Samara et d'Omsk, renversés par Koltchak, comprenaient des membres de la Constituante élus sous le gouvernement Kerenski, et que Ie dictateur s'entoura soit de personnalités qui n'avaient rien oublié et rien appris, soit de personnages qui mirent à sac la caisse publique et couvrirent toutes les infamies commises par leurs subordonnés.

    Au printemps 1919, lorsque les troupes françaises et anglaises sont évacuées, Gilliard pense à rentrer en Suisse :

    Me sentant mal en point, j'étais bien décidé à ne pas laisser ma carcasse dans ce trou puant d'Omsk et à me barrer au plus tôt, écrit-il à son père, dont il n a plus aucune nouvelle depuis plus de dix-huit mois.

     

    Mais il a quelques bonnes raisons de rester encore en Russie.

     

    D'abord il collabore étroitement à l'enquête sur l'assassinat de la famille impériale avec le juge d'instruction Nicolas Sokolov, qui est devenu un ami.

    Je ne voudrais pas quitter la Russie avant que l'enquête sur le meurtre ait été terminée.

     

    En effet ce drame effroyable est encore loin d'être éclairci, il y a encore bien des points qui n'ont pas été établis avec certitude et l'on ne sait encore les

    circonstances dans lesquelles la famille a péri.

     

    Je crois cependant que l'enquête va aboutir et qu'on sera bientôt fixés sur ce point.

    A Omsk, au service de l'état-major, Gilliard est bien placé pour suivre l'enquête, supervisée directement par le bras droit de Koltchak,

     

    le général Mikhail Dieterichs.

    Dieterichs s'intéresse au dossier à titre personnel parce qu'il espère mettre la main sur les bijoux des Romanov, ceux d'entre eux du moins qui auraient échappé aux bolcheviques et qu'il pense cachés dans un endroit secret.

    En quoi il n'a pas tout à fait tort.

    En septembre 1919, Gilliard est sur le point de quitter la Sibérie.

     

    Il y renonce momentanément en raison de l'insistance de Janin,

    qui n'a à disposition que peu d'officiers maîtrisant parfaitement le russe.

     

    Difficile pourtant de se battre si loin pour une cause si douteuse,

    quand partout ailleurs c'est la paix.

     

    C'est que lorsque j'ai parlé de me mettre en route, on m'a demandé de rester encore quelque temps. J'aurais été bien mal venu de répondre par une fin de non-recevoir.

    En Sibérie, il a des soucis financiers, car tour est hors de prix.

    Il a beaucoup dépensé lorsqu'il était en captivité à Tobolsk avec l'empereur et sa famille.

     

    Il a aussi généreusement aidé nombre d'amis restés dans la capitale,

    achetant et envoyant tout ce qu'il pouvait trouver sur place.

     

    Le retour en Europe par bateau depuis Vladivostok, si par miracle il peut embarquer coûtera au moins 10'000 roubles, dix fois le prix d'un trajet normal Moscou-Lausanne par voie terrestre !

    Et Glilliard a besoin de deux billets, car il ne rentre pas seul.

    Il veut emmener Alexandra Alexandrovna Tegleva, son amie.

     

    La situation de sa compagne est très délicate, car elle a travaillé dix ans pour les Romanov.

     

    A ce titre, elle est directement menacée, aucun proche de la famille n'ayant été épargné. Russe et en pleine guerre civile, il lui est difficile d'obtenir un passeport pour partir à l'étranger.

     

    Par crainte de représailles autant que par pudeur, Gilliard ne parle pratiquement jamais d'Alexandra, qu'il épousera en 1922 clans la très belle église de Grandson, à quelques kilomètres de la propriété familiale de Fiez.

    Alexandra Tegleva était gouvernante des grandes-duchesses, qui l'appelaient Sasha.

    Anastasia, dont elle avait la charge éducative, l'appelait Shura.

     

    Au service impérial, il y avait une règle incontournable, celle du célibat imposé aux employés de confiance qui partageaient la vie de la famille.

    ce qui explique peut-être qu'elle ait été si proche de Gilliard pendant toutes ces années sans qu'il soit fait état de leur relation.

     

    Il l'a en revanche beaucoup photographiée.

    Après la révolution de février 1917, Alexandra Tegleva partagea la captivité des Romanov à Tsarkoïe-Selo puis à Tobolsk.

    Elle vivra ensuite avec Gilliard à Tioumen, d'abord dans un wagon puis, malade, chez un marchand qui les recueillera.

    Ils resteront ensuite à Omsk avant qu'elle ne rejoigne Verkhné-Oudinsk, une ville sous contrôle japonais le long de la ligne du transsibérien.

     

    Pour l'instant elle y est en sécurité avec la femme du général Dieterichs. Toutes deux s'occupent d'un orphelinat qu'elles ont emmené lorsque les combats se sont approchés d'Omsk.

    Gilliard, qui est dans le transsibérien, espère Ia revoir dans quelques semaines si tout va bien, après des mois de séparation.

     

    A Novo-Nikolaïevsk, à 500 kilomètres seulement d'Omsk, vingt-deux convois ont déjà été repris par les bolcheviques, qui en captureront encore cent soixante au moins dans les semaines suivantes.

    Les attaques, les grèves et la pénurie de charbon contribuent à retarder les trains.

    Le 16 décembre 1919, Gilliard est bloqué avec Janin en gare d'Irkoutsk par une insurrection socialiste-révolutionnaire.

     

    Les combats se poursuivent durant plusieurs jours, puis les troupes gouvernementales passèrent les unes après les autres aux insurgés.

    Le train de Gilliard quitte Irkoutsk au moment où celui de Koltchak entre en gare, traqué par la cavalerie bolchevique…

    Page 20: A Verkhné-Oudinsk, Gilliard rejoint Alexandra Tegleva.

    Tous deux repartent à la fin du mois de janvier 1920 par le train personnel du général Janin. […]

    Anastasia, Pierre Gilliard and Maria:  

     

    A la fin du mois de février, ils atteignent Harbon où Gilliard retrouve Nicolas Sokolov qui garde nuit et jour son précieux dossier d'enquête, ainsi qu'une malette de cuir contenant des restes humain trouvés dans la clairière des Quatre-Frères, près de Ekaterinbourg, réputé être de la famille impériale.

    Page 21. Gilliard persuade alors le général Janin de prendre à titre personnel les exemplaires du dossier en leur possession et de les acheminer en France, avec la malette de restes humains.

     

    C'est ainsi que le 20 mars dans la nuit noire, Gilliard, Solokov et Dieterichs transportent les trois lourdes valises de documents dans le train de Janin, en gare d'Harbin.

    Page 22. Au dernier moment, ils sont interceptés par des individus armés. Nous nous élançâmes au pas de course et, un instant plus tard., nous arrivions au wagon du général dont les sentinelles s'étaient portées à notre rencontre.

     

    Le lendemain, Dieterichs amène encore à Janin un lot de morceaux d'os calcinés, de graisse humaine et de cheveux qui avaient été récupérés par les enquêteurs.

    Janin emmène les documents er les restes humains à Pékin, puis Shanghai, d'où ils sont embarqués le 20 mai 1920 avec les documents personnels et les photographies de Gilliard.

    Le tout arrivera en juillet 1920 à Marseille.

    Janin avait prévu de remettre les dossiers et la mallette au grand-duc Nicolas Nicolaïevitch, un oncle du tsar déchu, réfugié en France.

     

    Mais personne ne viendra réceptionner les colis sur le quai.

    Le grand-duc ne croit pas encore à la mort de Nicolas Romanov

    et il réfute l'enquête menée par un juge qu'il croit être socialiste. 

     

    Les dossiers et la mallette seront alors remis trois mois plus tard à Michel de Guirs,

    le chef de la diplomatie russe blanche en exil, qui cachera les dossiers dans le coffre d'une banque parisienne, d'où ils seront emmenés par les nazis pendant la guerre pour être ensuite récupérés, en partie du moins, par les Soviétiques, cette fois à Berlin.

     

    Les restes humains sont emmurés depuis 1950 à Uccle, dans l'église saint-Job

    (Patriacat de Moscou, Eglise russe orthodoxe hors frontières, Paroisse Saint-Job, Uccle (Bruxelles), qui est consacrée à la famille impériale.

     

     

    Au début du mois d'avril 1920, Pierre Gilliard et 

    atteignent enfin Vladivostok.

     

    Maurice Janin, né le 19 octobre 1862, décédé le 28 avril 1946, était un général français qui fut chargé de la mission militaire française en Russie durant la Première Guerre mondiale et la guerre civile russe. Il fut également commandant en chef des armées tchécoslovaques en Russie et commandant en chef des troupes alliées en Russie.

    ( Lorsque la nouvelle de ce qui était arrivé à Irkoutsk atteint Paris, le gouvernement français le relève de son commandement et lui donne ordre de rentrer en France.

    Le général quitte Kharbine en avril 1920 emportant avec lui trois valises et un coffre contenant 311 reliques impériales, des documents et les dernières photographies de la famille impériale retenue prisonnière dans la villa Ipatiev.

    Ces pièces lui sont confiées par le général Dieterichs et Pierre Gilliard,

    témoin des derniers instants de Nicolas II et de sa famille.

    À son retour en France, Maurice Janin est reçu à Paris au Ministère des Affaire Étrangères. Après avoir pris quelque temps de repos, il est affecté à un poste de moindre importance.)

     

    Grâce au Général Janin, tous deux trouvent place à bord d'un navire américain.

     

    Un vrai miracle.

    Mais à leurs frais, précise Gilliard.

     

    Ils montent avec soulagement à bord de l'ancien Kronprinzessin Cäcilie,

    une prise de guerre rebaptisée Mount Vernon.

     

    Le tirant d'eau du paquebot est si important qu'il ne peut passer par le canal de Suez.

    Les voilà embarqués pour une traversée du Pacifique, de l'Atlantique et de la Méditerranée, suivant une route qui passera successivement par le Japon, San Francisco,

    le canal de Panama et Gibraltar.

     

     

    De Norfolk, le 19 juin 1920, où ils sont bloqués trois semaines en

    raison d'une avarie, Gilliard écrit à son père :

     

    J'ai encore peine à croire que Je suis sorti de cet enfer qu'est la Sibérie depuis six mois.

     

    Ce que j'ai vu de misères et d'horreurs dépasse tout ce que vous pouvez imaginer.

     

     

    J'ai hébergé dans ma chambre à Omsk la princesse Galitzine et

    ses cinq enfants, dont un bébé

    de deux ans, mais je n'ai pas pu les sauver […]

     

    J'ai été plus heureux

    pour la famille Lapouchine [illisible] que j'ai pu ramener en Chine où

    elle est pour le moment en sûreté.

     

    Le 9 août, Gilliard et sa compagne débarquent à Trieste.

    Après avoir transité par Prague où Gilliard devait encore être déconsigné - il voyage depuis Vladivostok avec le statut d'officier de l'armée tchèque -, ils rejoignent enfin la Suisse.

     

     

    J'avais passé près de trois ans en Sibérie dans les circonstances les

    plus tragiques qui se puissent imaginer.

     

    Et je gardais tout vibrant le souvenir du drame poignant auquel

    j'avais été si intimement mêlé.

     

    Je venais d'assister à l'effondrement d'un des plus grands empires

    qui fut au monde aux côtés de ceux qui en avaient été les maîtres.

     

     

    Mais Gilliard n'est pas au bout de ses surprises.

    Il découvre dans la presse d'innombrables récits dans

    lesquels se mêlent rumeurs et désinformations.

     

    Nombre de grandes-duchesses et de faux tsarévitchs apparaissent en Allemagne,

    aux Etats-Unis, en France et en Allemagne.

     

     

     Imposter: Anna Anderson claimed to be the Grand Duchess Anastasia although her claims are much disputed

    anna anderson, usurpatrice 

     

    Un véritable fantasme qui va se prolonger durant tout le XXe siècle, et dont la

    fausse Anastasia,

    bête noire de Gilliard, deviendra bientôt l'expression la plus populaire. 

     

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    Mais lorsqu'il lit dans un journal le récit de sa propre mort,

    soi-disant fusillé aux côtés de la famille impériale, et ceci par un

    “témoin oclaire”, il décide de réagir.

     

    Il entame une série d'articles pour la revue L'Illustration,

    qui formeront le corps d'un livre qu'il publiera bientôt.

    Pierre Gilliard, Sur le bolchevisme, rapport dactylographié de 9 pages,

    1920, BCU/Lausanne/fonds Pierre Gilliard/IS 1916, Ab 8. 

     

     

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