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Par Dona Rodrigue le 23 Octobre 2015 à 02:30
Le Bal de l'Ermitage de février 1903, dernier bal à la Cour des Romanov
Il y a plus de cent ans, toute la bonne société russe est conviée au dernier grand bal de Cour donné au palais impérial de Saint-Pétersbourg,
aujourd'hui Musée de l'Ermitage.
En souvenir du temps des boyards, les invités sont tenus
de porter des costumes de l'ancienne Russie.
"Au cours de ma première saison dans le monde", relate
la princesse Varvara Dolgorouky dans ses Souvenirs Au temps des Troïkas, "il y eut un bal en costumes anciens.
Les invitations avaient été lancées longtemps à l’avance pour donner le temps de choisir et de préparer robes et habits.
Ce fut un grand événement dans la vie de la société de Saint-Pétersbourg comme on n’en avait pas connu depuis très longtemps.
On se mit à regarder les portraits de famille, à visiter les galeries de peintures, à étudier les gravures anciennes."
Le Palais d'hiver illuminé un soir de fête
L’activité fut grande dans les ateliers des costumes de théâtre, chez les tailleurs et les modistes. On fit venir de Moscou des tissus d’or et d’argent, brocarts et somptueux velours vénitiens.
Des personnes se rendaient exprès à Moscou pour visiter une exposition consacrée aux vêtements, joyaux et étoffes de la Russie antérieure au 17ème siècle.
Les hommes, mêmes les généraux au visage grave et les austères hommes d’Etat, attachaient autant d’importance à leur physique que les femmes.
"Au bal, les robes, sans décolleté, étaient relevées par l’ancienne coiffure russe, le kokoshnik, en forme de grande auréole, richement brodé d’or et d’argent et serti de pierres précieuses et joyaux de famille, souvent pesamment broché d’or.Les cheveux des dames mariées étaient cachés, tandis que ceux des jeunes filles étaient ramassés en deux longues tresses parfois entrelacées de rubans et perles.
Le talent, le goût, le style de la fameuse couturière moscovite Lamanova étaient extraordinaires.
Elle était le génie russe de l’élégance.
Nul ne l’égalait, pas même sans doute, les grandes maisons de couture françaises," s’exclame Varvara Dolgorouki.
Les officiers des régiments de la Garde portaient des uniformes des régiments du 18ème siècle ou ceux de dignitaires de l’ancienne Cour de Moscou."Les habits russes anciens faisaient revivre notre passé, au temps où les modes européennes ne s’étaient pas encore introduites en Russie,"
continue la princesse Dolgorouky.
"L’Empereur avait grande allure en tsar de Moscou, vêtu de brocart écarlate, orné de fourrures et de joyaux.
Il paraissait moins grand que son épouse, qui portait une tunique de drap d’or avec des broderies d’argent, et comme coiffure une sorte de mitre byzantine qui rehaussait encore sa taille."
Le tsar Nicolas II et son épouse en costume ancien.
La robe de la tsarine est aujourd'hui conservée au musée de l'ErmitageLe clou du bal fut une danse russe qui avait donné lieu à des répétitions préalables, exécutées par vingt-quatre couples conduits par un jeune lieutenant du régiment des Chevaliers-Gardes et la comtesse Nadia Tolstoï.
Varvara Dolgorouky se retrouve parmi le groupe de jeunes filles, triées sur le volet.
C’est la comtesse Betsy Chouvalov, maîtresse de maison incomparable et femme de grand goût, qui avait conçu l’idée de cette danse.Elle avait soigneusement choisi les exécutants parmi les plus gracieuses jeunes filles et les officiers des régiments de la Garde connus comme les danseurs les plus brillants des salons de Saint-Pétersbourg.
"Je dois dire que notre apparition fit sensation, ce fut certainement un succès.
La danse fut si bien exécutée qu’elle fut bissée sur le désir spécial de l’impératrice dont le visage, généralement grave, s’était éclairé d’un bienveillant sourire."
A la demande du maître des cérémonies de la Cour, les invités furent priés de se faire photographier dans leur costume d’époque afin de laisser un souvenir de l'événement.L’imprimerie d’Etat édita ensuite un album, tiré à quelques centaines d’exemplaires.
Aujourd’hui, maigre trésor emmené en émigration, quelle est la famille russe qui n’a pas dans un tiroir des photos sur carton jauni de parents ou
grands-parents en costume d’inspiration byzantine, souvenirs d’un temps à jamais révolu ?
Quelques jours plus tard, la fête fut reprise une deuxième fois au profit du corps diplomatique, dans une salle plus grande du Palais d’Hiver.Tous les représentants des pays étrangers et leurs familles étaient invités : ainsi les filles des ambassadeurs des pays d’Europe occidentale eurent-elles l’occasion unique de danser avec des nobles russes des siècles passés …
"Mais ce bal fut un glorieux chant du cygne," se souvient avec nostalgie la grande-duchesse Olga, soeur du tsar."Un malheureux incident fut considéré comme un signe prémonitoire :
le grand-duc Michel perdit, sans doute pendant une danse, un bijou de très grande valeur qu’il avait emprunté à sa mère pour le porter en aigrette sur sa cape de fourrure.
Ce bijou avait appartenu au tsar Paul Ier et l’impératrice le portait très rarement. Nous fûmes tous au désespoir, car jamais on ne le retrouva ..."
"Après avoir dansé toute la nuit, lorsque l’orchestre de la Garde joua la dernière mesure, aucun convive ne sentit le rideau tomber définitivement.Plus jamais des fleurs ornèrent aussi massivement les salons du Palais d’Hiver, plus aucune musique de danse ne se joua sous ses lambris magnifiquement peints.
Les temps de grandeur étaient passés.
Il n’y eut plus jamais de bal au Palais d’Hiver !"
Nicolas van Outryve d'YdewalleIllustrations :
ci-desus, le comte Félix Soumarokov-Elston (1856-1928) et son épouse, la princesse Zénaïde Youssoupov (1861-1939), parents du prince Félix Youssoupov, l'assassin de Raspoutine. - ci-contre, la princesse Elisabeth Nicolaïevna Obolensky en fille de boyard du 17è siècle.
Sources D.R. DONA RUSSIEhttps://oliaklodvenitiens.wordpress.com/2013/09/13/le-dernier-bal-imperial-des-11-et-13-janvier-1904/https://oliaklodvenitiens.wordpress.com/2013/08/21/le-dernier-bal-imperial-le-tsar-nicolas-ii-et-limperatrice-alexandra-fiodorovna/
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